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[1648] MÉMOIRES

Paris parut plus tranquille que je ne l’ai jamais vu le vendredi saint.

Comme je n’ai pas cru devoir interrompre le fil d’une narration qui contient le préalable le plus important de la guerre civile, j’ai remis à vous rendre compte en ce lieu d’un certain détail sur lequel vous vous êtes certainement fait des questions à vous-même, parce qu’il y a des circonstances qui ne se peuvent presque concevoir avant que d’être particulièrement expliquées. Je suis assuré, par exemple, que vous avez de la curiosité de savoir quels ont été les ressorts qui ont donné les mouvemens à tous ces corps qui se sont presque ébranlés tous ensemble ; quelle a été la machine qui, malgré toutes les tentatives de la cour, tous les artifices des ministres, toute la foiblesse du public, toute la corruption des particuliers, a entretenu et maintenu ce mouvement dans une espèce d’équilibre. Vous y soupçonnez apparemment bien du mystère, bien de la cabale et bien de l’intrigue. Je conviens que l’apparence y est, et à un point que je crois qu’on doit excuser les historiens qui ont pris le vraisemblable pour le vrai en ce fait. Je puis toutefois et je dois même vous assurer que, jusqu’à la nuit qui a précédé les barricades, il n’y a pas eu un grain de ce qui s’appelle manège d’État dans les affaires publiques ; et que celui même qui a pu être de l’intrigue du cabinet y a été si léger qu’il ne mérite presque pas d’être pesé. Je m’explique. Longueil, conseiller de la grand’chambre, homme d’un esprit noir, décisif et dangereux, et qui entendoit mieux le détail de la manœuvre du parlement que tout le reste du corps ensemble, pensoit dès ce temps-là à établir