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[1648] MÉMOIRES

point de le faire sur-le-champ ; mais beaucoup de ceux de la compagnie ayant représenté que les peuples croiroient qu’elle avoit été violentée si l’on opinoit au Palais-Royal, l’on résolut de s’assembler l’après-dînée au Palais, et l’on pria M. le duc d’Orléans de s’y trouver.

Le parlement étant sorti du Palais-Royal, et ne disant rien de la liberté de Broussel, ne trouva d’abord qu’un morne silence, au lieu des acclamations passées. Comme il fut à la barrière des Sergens, où étoit la première barricade, il y rencontra du murmure, qu’il apaisa, en assurant que la Reine lui avoit promis satisfaction. Les menaces de la seconde furent éludées par le même moyen, La troisième, qui étoit à la Croix-du-Tiroir, ne se voulut pas payer de cette monnoie et un garçon rôtisseur s’avançant avec deux cents hommes, et mettant la hallebarde dans le ventre du premier président, lui dit : « Tourne, traître ; et si tu ne veux être massacré toi-même, ramène-nous Broussel, ou le Mazarin et le chancelier en otage. » Vous ne doutez pas, à mon opinion, ni de la confusion ni de la terreur qui saisit presque tous les assistans. Cinq présidens au mortier et plus de vingt conseillers se jetèrent dans la foule pour s’échapper. Le seul premier président, le plus intrépide homme, à mon sens, qui ait paru dans son siècle, demeura ferme et inébranlable. Il se donna le temps de rallier ce qu’il put de la compagnie : il conserva toujours la dignité de la magistrature et dans ses paroles et dans ses démarches, et il revint au Palais-Royal au petit pas, dans le feu des injures, des menaces, des exécrations et des blasphèmes.