Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
[1648] MÉMOIRES

vez vous imaginer de respect, de douleur, de regret et de soumission. L’argentier, qui étoit au bout de la rue quand on crioit vive le Roi ! et qui avoit ouï que l’on y ajoutoit presque à toutes les reprises vive le coadjuteur ! fit ce qu’il put pour me persuader de mon pouvoir ; et quoique j’eusse été très-fâché qu’il l’eût été de mon impuissance, je ne laissai pas de feindre que je la lui voulois toujours persuader. Les favoris des deux derniers siècles n’ont su ce qu’ils ont fait quand ils ont réduit en style l’égard effectif que les rois doivent avoir pour leurs sujets. Il y a, comme vous voyez, des conjonctures dans lesquelles, par une conséquence nécessaire, l’on réduit en style l’obéissance réelle que l’on doit aux rois.

Le parlement s’étant assemblé ce jour-là de très-bon matin, et devant même que l’on eût pris les armes, apprit les mouvemens par les cris d’une multitude immense, qui hurloit dans la salle du Palais Broussel ! Broussel ! et il donna arrêt par lequel il fut ordonné qu’on iroit en corps et en habit au Palais-Royal redemander les prisonniers ; qu’il seroit décrété contre Comminges, lieutenant des gardes de la Reine ; qu’il seroit défendu à tous gens de guerre, sur peine de la vie, de prendre des commissions pareilles ; et qu’il seroit informé contre ceux qui avoient donné le conseil, comme contre des perturbateurs du repos public.

L’arrêt fut exécuté à l’heure même. Le parlement sortit au nombre de cent soixante officiers : il fut reçu et accompagné dans toutes les rues avec des acclamations et des applaudissemens incroyables ; toutes les barricades tomboient devant lui. Le premier président parla à la Reine avec toute la liberté que l’état