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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

on voyoit les mères qui les leur apportoient elles-mêmes. Il y eut dans Paris plus de deux cents barricades en moins de deux heures, bordées de drapeaux, et de toutes les armes que la ligue avoit laissées entières. Comme je fus obligé de sortir un moment pour apaiser un tumulte qui étoit arrivé, par le malentendu de deux officiers du quartier, dans la rue Neuve Notre-Dame, je vis entre autres une lance traînée plutôt que portée par un petit garçon de huit ans, qui étoit assurément de l’ancienne guerre des Anglais[1]. Mais j’y vis encore quelque chose de plus curieux : M. de Brissac[2] me fit remarquer un hausse-col sur lequel la figure du jacobin qui tua Henri III étoit gravée ; il étoit de vermeil doré, avec cette inscription : Saint Jacques-Clément. Je fis une réprimande à l’officier qui le portoit, et je fis rompre le haussecol publiquement à coups de marteau sur l’enclume d’un maréchal. Tout le monde cria : vive le Roi ! mais l’écho répondoit : point de Mazarin !

Un moment après que je fus rentré chez moi, l’argentier de la Reine y entra, qui me commanda et me conjura de sa part d’employer mon crédit pour apaiser la sédition, que la cour, comme vous voyez, ne traitoit plus de bagatelle. Je répondis froidement et respectueusement que les efforts que j’avois faits la veille pour cet effet m’avoient rendu si odieux parmi le peuple, que j’avois même couru fortune pour avoir voulu seulement me montrer un moment ; que j’avois été obligé de me retirer chez moi, même fort brusquement. À quoi j’ajoutai ce que vous pou-

  1. L’ancienne guerre des Anglais : Du temps de Charles VII.
  2. Louis de Cosse, mort en 1661. (A. E.)