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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

qui peuvent arriver. Dans le désordre, les affaires brouillent les espèces : elles honorent même ce qu’elles ne justifient pas ; et les vices d’un archevêque peuvent être dans une infinité de rencontres les vertus d’un chef de parti. J’avois eu mille fois cette vue, mais elle avoit toujours cédé à ce que je croyois devoir à la Reine. Le souper du Palais-Royal, et la résolution de me perdre avec le public, l’ayant purifiée, je la pris avec joie, et j’abandonnai mon destin à tous les mouvemens de la gloire. Minuit sonnant, je fis rentrer dans ma chambre Laigues et Montrésor, et je leur dis : « Vous savez que je crains les apologies, mais vous allez voir que je ne crains pas les manifestes. Toute la cour me sera témoin de la manière dont on m’a traité depuis plus d’un an au Palais-Royal : c’est au public à défendre mon honneur ; mais on veut perdre le public, et c’est à moi à le défendre de l’oppression. Nous ne sommes pas si mal que vous vous le persuadez, messieurs, et je serai demain, avant qu’il soit midi, maître de Paris. » Mes deux amis crurent que j’avois perdu l’esprit ; et eux, qui m’avoient persécuté, je crois, cinquante fois en leur vie pour entreprendre, me firent en cet instant des leçons de modération. Je ne les écoutai pas, et j’envoyai quérir à l’heure même Miron, maître des comptes, colonel du quartier de Saint-Germain de l’Auxerrois, homme de bien et de cœur, et qui avoit beaucoup de crédit parmi le peuple. Je lui exposai l’état des choses ; il entra dans mon sentiment : il me promit d’exécuter tout ce que je désirerois. Nous convînmes de ce qu’il y auroit à faire, et il sortit de chez moi en résolution de faire battre