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[1648] MÉMOIRES

m’y avoit traité d’homme qui n’avoit rien oublié pour soulever le peuple, sous prétexte de l’apaiser ; que l’on avoit sifflé dans les rues ; que j’avois fait semblant d’être blessé, quoique je ne le fusse point ; enfin que j’avois été exposé deux heures entières à la raillerie fine de Bautru, à la bouffonnerie de Nogent, à l’enjouement de La Rivière, à la fausse compassion du cardinal, et aux éclats de rire de la Reine. Vous ne doutez pas que je ne fusse un peu ému ; mais, à la vérité, je ne le fus pas au point que vous devez croire. Je me sentis plutôt de la tentation légère que de l’emportement ; tout me vint dans l’esprit, mais rien n’y demeura, et je sacrifiai à mon devoir, presque sans balancer, les idées les plus douces et les plus brillantes que les conjurations passées présentèrent à mon esprit en foule, aussitôt que le mauvais traitement que je voyois public et connu me donna lieu de croire que je pourrois entrer avec honneur dans les nouvelles.

Je rejetai, par le principe de l’obligation que j’avois à la Reine, toutes ces pensées, quoique, à vous dire le vrai, je m’y fusse nourri dès mon enfance ; et Laigues et Montrésor n’eussent certainement rien gagné sur mon esprit, ni par leurs exhortations ni par leurs reproches, si Argenteuil, qui depuis la mort de M. le comte, dont il avoit été premier gentilhomme de la chambre, qui s’étoit fort attaché à moi, ne fût venu. Il entra dans ma chambre avec un visage fort effaré, et il me dit : « Vous êtes perdu ; le maréchal de La Meilleraye m’a chargé de vous dire que le diable possède le Palais-Royal ; qu’il leur a mis dans l’esprit que vous avez fait ce que vous avez pu pour exciter la sédition ; que lui, le maréchal de La Meil-