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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

Palais-Royal. » La Reine se mit à sourire, mais d’une sorte de sourire ambigu. J’y pris garde, mais je n’en fis pas semblant ; et, pour empêcher M. le maréchal de La Meilleraye de continuer mon éloge, je pris la parole : « Non, madame, il ne s’agit pas de moi, mais de Paris soumis et désarmé, qui se vient jeter aux pieds de Votre Majesté. — Il est bien coupable et peu soumis, repartit la Reine avec un visage plein de feu ; s’il a été aussi furieux que l’on a voulu me le faire croire, comment se seroit-il pu radoucir en si peu de temps ? » Le maréchal, qui remarqua aussi bien que moi le ton de la Reine, se mit en colère, et lui dit en jurant : « Madame, un homme de bien ne peut vous flatter en l’extrémité où sont les choses. Si vous ne mettez aujourd’hui Broussel en liberté, il n’y aura pas demain pierre sur pierre dans Paris. » Je voulus prendre la parole pour appuyer ce que disoit le maréchal ; la Reine me la ferma, en me disant d’un air de moquerie : « Allez vous reposer, monsieur, vous avez bien travaillé. »

Je sortis ainsi du Palais-Royal ; et quoique je fusse ce que l’on appelle enragé, je ne dis pas un mot de là jusqu’à mon logis qui pût aigrir le peuple. J’en trouvai une foule innombrable qui m’attendoit, et qui me força de monter sur l’impériale de mon carrosse, pour lui rendre compte de ce que j’avois fait au Palais-Royal. Je lui dis que j’avois témoigné à la Reine l’obéissance que l’on avoit rendue à sa volonté, en posant les armes dans les lieux où on les avoit prises, et en ne les prenant point dans ceux où on étoit sur le point de les prendre ; que la Reine m’avoit fait paroître de la satisfaction de cette soumission, et qu’elle