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[1648] MÉMOIRES

Il me parut toutefois un peu embarrassé ; et il me fit une espèce de galimatias, par lequel, sans me l’oser toutefois dire, il eût été bien aise que j’eusse conçu qu’il y avoit eu des raisons toutes nouvelles qui avoient obligé la Reine à se porter à la résolution que l’on avoit prise. Je feignis de prendre pour bon tout ce qu’il lui plut de me dire ; et je lui répondis simplement que j’étois venu là pour me rendre à mon devoir, pour recevoir les commandemens de la Reine, et pour contribuer de tout ce qui seroit en mon pouvoir au repos et à la tranquillité. La Reine me fit un petit signe de la tête, comme pour me remercier ; mais je sus depuis qu’elle avoit remarqué, et remarqué en mal, cette dernière parole, qui étoit pourtant fort innocente, et même fort dans l’ordre d’un coadjuteur de Paris. Mais il est vrai de dire qu’auprès des princes il est aussi dangereux et presque aussi criminel de pouvoir le bien que de vouloir le mal. Le maréchal de La Meilleraye, qui vit que La Rivière, Bautru et Nogent traitoient l’émotion de bagatelle, et qu’ils la tournoient même en ridicule, s’emporta beaucoup. Il parla avec force ; il s’en rapporta à mon témoignage. Je le rendis avec liberté, et je confirmai ce qu’il avoit dit et prédit du mouvement. Le cardinal sourit malignement, et la Reine se mit en colère, proférant de son ton de fausset aigre et élevé ces propres mots : « Il y a de la révolte à imaginer que l’on puisse se révolter. Voilà les contes ridicules de ceux qui la veulent : l’autorité du Roi y donnera bon ordre. » Le cardinal, qui s’aperçut à mon visage que j’étois un peu ému de ce discours, prit la parole, et avec un ton doux il répondit à la Reine : « Plût à Dieu,