moins désobligeant des apophthegmes dont il m’honora trois ou quatre mois durant : ce qui m’obligea de dire un jour en sortant du Palais-Royal, à M. le maréchal de Villeroy[1], que j’y avois fait deux réflexions : l’une, qu’il sied plus mal à un ministre de dire des sottises que d’en faire ; et l’autre, que les avis qu’on lui donne passent pour des crimes toutes les fois qu’on ne lui est point agréable.
Voilà l’état où j’étois à la cour, quand je sortis de l’hôtel de Lesdiguières pour remédier, autant que je pourrois, au mauvais effet que la nouvelle de la victoire de Lens et la réflexion de M. de Chavigny m’avoient fait appréhender. Je trouvai la Reine dans un emportement de joie inconcevable ; le cardinal me parut plus modéré. L’un et l’autre affectèrent une douceur extraordinaire ; et le cardinal particulièrement me dit qu’il vouloit se servir de l’occasion présente pour faire connoître aux compagnies qu’il étoit bien éloigné des sentimens de vengeance qu’on lui attribuoit, et qu’il prétendoit que tout le monde confessât, dans peu de jours, que les avantages remportés par les armes du Roi avoient bien plus adouci qu’élevé l’esprit de la cour. J’avoue que je fus dupe ; je le crus, j’en eus de la joie. Je prêchai le lendemain[2] à Saint-Louis des Jésuites devant le Roi et la Reine. Le cardinal, qui y étoit, me remercia[3], au sortir du sermon, de ce qu’en expliquant au Roi le