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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

raison ils conseillent tout. Laigues n’avoit qu’un fort petit sens ; mais il étoit très-brave et très-présomptueux. Les esprits de cette nature osent tout ce que ceux en qui ils ont confiance leur persuadent. Ce dernier, qui étoit absolument entre les mains de Montrésor, s’échauffa, comme il arrive toujours, après en avoir été persuadé ; et ces deux hommes joints ensemble ne me laissoient pas un jour de repos pour me faire voir, s’imaginoient-ils, ce que, sans vanité, j’avois vu six mois et plus avant eux.

Je demeurai ferme dans ma résolution ; mais comme je n’ignorois pas que l’innocence et la droiture me brouilleroient dans les suites presque autant avec la cour qu’auroit pu faire le contraire, je pris en même temps celle de me précautionner contre les mauvaises intentions du ministre : et du côté de la cour même, en y agissant avec autant de sincérité et de zèle que de liberté, et du côté de la ville, en y ménageant avec soin tous mes amis, et en n’oubliant rien de tout ce qui pouvoit être nécessaire pour m’attirer ou plutôt pour me conserver l’amitié des peuples. Je ne puis mieux vous exprimer le second, qu’en vous disait que, depuis le 28 mars jusqu’au 25 août, je dépensai trente-six mille écus en aumônes et en libéralités. Je ne crus pas mieux exécuter le premier qu’en disant à la Reine et au cardinal la vérité des dispositions que je voyois dans Paris, dans lesquelles la flatterie et la préoccupation ne leur permirent jamais de pénétrer. Comme un troisième voyage de M. l’archevêque en Anjou m’avoit remis en fonctions, je pris cette occasion pour leur témoigner que je me croyois obligé de leur en rendre compte : ce qu’ils reçurent