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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

sorti du Palais-Royal, que M. le cardinal lui avoit témoigné beaucoup moins de joie de la victoire, qu’il ne lui avoit fait paroître de chagrin de ce qu’une partie de la cavalerie espagnole s’étoit sauvée. Vous remarquerez, s’il vous plaît, qu’il parloit à un homme qui étoit entièrement à M. le prince, et qu’il lui parloit d’une des plus belles actions qui se soient jamais faites dans la guerre. Elle est imprimée en tant de lieux, qu’il seroit inutile de vous en rapporter ici le détail. Je ne puis m’empêcher de vous dire que le combat étant presque perdu, M. le prince le rétablit et le gagna, par un seul coup de cet œil d’aigle que vous lui connoissez, qui voit tout dans la guerre et qui ne s’éblouit jamais.

Le jour que la nouvelle en arriva à Paris, je trouvai M. de Chavigny à l’hôtel de Lesdiguières, qui me l’apprit, et qui me demanda si je ne gagerois pas que le cardinal seroit assez innocent pour ne se pas servir de cette occasion pour remonter sur sa bête. Ce furent ses propres paroles ; elles me touchèrent, parce que connoissant, comme je faisois, l’humeur et les maximes violentes de Chavigny, et sachant d’ailleurs qu’il étoit très-mal satisfait du cardinal, ingrat au dernier point envers son premier bienfaiteur, je ne doutai pas qu’il ne fût très-capable d’aigrir les choses par de mauvais conseils. Je le dis à madame de Lesdiguières, et je lui ajoutai que j’allois de ce pas au Palais-Royal, dans la résolution d’y continuer ce que j’y avois commencé. Il est nécessaire, pour l’intelligence de ces deux dernières paroles, que je vous rende compte d’un petit détail qui me regarde en mon particulier.