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MÉMOIRES

l’agrandissement de leur autorité ; et qui, dans les suites, servent de prétexte aux grands et de motif aux peuples pour se soulever.

Le cardinal de Richelieu étoit trop habile pour ne pas avoir toutes ces vues ; mais il les sacrifia à son intérêt. Il voulut régner selon son inclination, qui ne se donnoit point de règles, même dans les choses où il ne lui eût rien coûté de s’en donner ; et il fit si bien, que si le destin lui eût donné un successeur de son mérite, je ne sais si la qualité de premier ministre, qu’il a prise le premier, n’auroit pas pu être, avec un peu de temps, aussi odieuse en France que l’ont été par l’événement celles de maire du palais et de comte de Paris. La providence de Dieu y pourvut au moins en un sens : le cardinal Mazarin, qui prit sa place, n’ayant donné ni pu donner aucun ombrage à l’État du côté de l’usurpation. Comme ces deux ministres ont beaucoup contribué, quoique différemment, à la guerre civile, je crois qu’il est nécessaire que je vous en fasse le portrait et le parallèle.

Le cardinal de Richelieu avoit de la naissance. Sa jeunesse jeta des étincelles de son mérite : il se distingua en Sorbonne : on remarqua de fort bonne heure qu’il avoit de la force et de la vivacité dans l’esprit. Il prenoit d’ordinaire très-bien son parti ; il étoit homme de parole où un grand intérêt ne l’obligeoit pas au contraire : et en cela il n’oublioit rien pour sauver les apparences de la bonne foi. Il n’étoit pas libéral, mais il donnoit plus qu’il ne promettoit, et il assaisonnoit admirablement ses bienfaits. Il aimoit la gloire beaucoup plus que la morale ne le permet ; mais il faut avouer qu’il n’abusoit qu’à proportion de