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DU CARDINAL DE RETZ.

nécessaire, que les unes ne se peuvent maintenir sans les autres. Les lois, sans le secours des armes, tombent dans le mépris : les armes qui ne sont point modérées par les lois tombent bientôt dans l’anarchie. La république romaine ayant été anéantie par Jules César, la puissance dévolue par la force de ses armes à ses successeurs subsista autant de temps qu’ils purent eux-mêmes conserver l’autorité des lois. Aussitôt qu’elles perdirent leurs forces, celle des empereurs s’évanouit par le moyen de ceux mêmes qui, s’étant rendus maîtres de leurs sceaux et de leurs armes par la faveur qu’ils avoient auprès d’eux, convertirent à leur propre substance celles de leurs maîtres, qu’ils sucèrent, pour ainsi parler, à l’abri de ces lois anéanties. L’Empire romain mis à l’encan, et celui des Ottomans exposé tous les jours au cordeau, nous marquent, par des caractères bien sanglans, l’aveuglement de ceux qui ne font consister l’autorité que dans la force.

Mais pourquoi chercher des exemples étrangers ? Nous en avons de domestiques. Pepin n’employa pour détrôner les Mérovingiens, et Capet ne se servit pour déposséder les Carlovingiens, que de la même puissance que les ministres prédécesseurs de l’un et de l’autre s’étoient acquise sous le nom de leurs maîtres : et il est à observer que les maires du palais et les comtes de Paris se placèrent dans le trône des rois, justement et également par la même voie par laquelle ils s’étoient insinués dans leurs esprits, c’est-à-dire par l’affaiblissement et par le changement des lois de l’État, qui plaisent toujours aux princes peu éclairés, parce qu’ils s’imaginent y voir