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DU CARDINAL DE RETZ.

ner des bornes. Sous Charles IX et sous Henri III, la cour fut si fatiguée des troubles, que l’on y prit pour révolte ce qui n’étoit pas soumission. Henri IV, qui ne se défioit pas des lois parce qu’il se fioit en lui-même, marqua combien il les estimoit, par la considération qu’il eut pour les remontrances très-hardies de Miron, prévôt des marchands, touchant les rentes de l’hôtel-de-ville. M. de Rohan disoit que Louis XIII n’étoit jaloux de son autorité qu’à force de ne pas la connoître. Le maréchal d’Ancre[1] et M. de Luynes[2] n’étoient que des ignorans qui n’étoient pas capables de l’en informer. Le cardinal de Richelieu, qui leur succéda, fit, pour ainsi parler, un fonds de toutes les mauvaises intentions, et de toutes les ignorances des deux derniers siècles, pour s’en servir selon ses intérêts. Il les déguisa en maximes utiles et nécessaires pour établir l’autorité royale ; et la fortune secondant ses desseins par le désarmement du parti protestant en France, par les victoires des Suédois, par la foiblesse de l’Empire, par l’incapacité de l’Espagne, il forma dans la plus légitime des monarchies la plus scandaleuse et la plus dangereuse tyrannie qui ait peut-être jamais asservi un État. L’habitude, qui a eu la force en quelques pays d’accoutumer les hommes au feu, nous a endurcis à des choses que nos pères ont appréhendées plus que le feu même. Nous ne sentons plus la servitude, qu’ils ont détestée moins pour leur propre intérêt que pour celui de leurs maîtres ; et le cardinal de Riche-

  1. Concino Concini, tué au Louvre en 1617. (A. E.)
  2. Charles d’Albert, duc de Luynes, connétable en 1621 ; mort la même année. (A. E.)