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DU CARDINAL DE RETZ.

qui haïssoit l’abbé de La Rivière, parce qu’il avoit eu l’insolence de trouver mauvais, quelques jours auparavant, que l’on lui eût préféré M. le prince de Conti[1] pour la nomination au cardinalat. De plus, M. le duc étoit très-persuadé de mon bon droit, qui étoit dans la vérité fort clair, et justifié pleinement par un petit écrit que j’avois jeté dans le monde. Il le dit à M. le cardinal, et il ajouta qu’il ne souffriroit, en façon quelconque, que l’on usât de violence ; que j’étois son parent et son serviteur ; et qu’il ne partiroit point pour l’armée, qu’il ne vît cette affaire finie.

La cour ne craignoit rien tant au monde que la rupture entre Monsieur et M. le duc ; M. le prince l’appréhendoit encore davantage. Il faillit à transir de frayeur lorsque la Reine lui dit le discours de monsieur son fils. Il vint tout courant chez moi, et y trouva soixante ou quatre-vingts gentilshommes ; il crut qu’il y avoit quelque partie liée avec M. le duc : ce qui n’étoit nullement vrai. Il jura, il menaça, il pria, il caressa ; et, dans ses emportemens, il lâcha des mots qui me firent connoître que M. le duc prenoit plus de part à mes intérêts qu’il ne me l’avoit témoigné à moi-même. Je ne balançai pas à me rendre à cet instant ; et je dis à M. le prince que je ferois toutes choses sans exception, plutôt que de souffrir que la maison royale se brouillât à mon occasion. M. le prince, qui m’avoit trouvé jusque là si inébranlable, fut si touché de voir que je me radoucissois à la considération de monsieur son fils, précisément dans l’instant qu’il me venoit d’apprendre lui-même que j’en pourrois espérer une puissante protection, qu’il changea aussi de son

  1. Armand de Bourbon, mort en 1666. (A. E.)