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MÉMOIRES

vais n’eût pas été une bête mitrée, ou s’il eût plu à mon père d’entrer dans les affaires, ces collatéraux de la régence auroient été infailliblement chassés avec honte, et la mémoire du cardinal de Richelieu auroit été sûrement condamnée par le parlement avec une joie publique.

La Reine étoit adorée beaucoup plus par ses disgrâces que par son mérite. On ne l’avoit vue que persécutée : et la souffrance aux personnes de ce rang tient lieu d’une grande vertu. On se vouloit imaginer qu’elle avoit eu de la patience, qui est très-souvent figurée par l’indolence. Enfin il est constant que l’on en espéroit des merveilles : et Bautru[1] disoit qu’elle faisoit déjà des miracles, parce que les plus dévots avoient déjà oublié ses coquetteries.

M. le duc d’Orléans fit quelque mine de vouloir disputer la régence ; et La Frette, qui étoit à lui, donna de l’ombrage, parce qu’il arriva une heure après la mort du Roi à Saint-Germain, avec deux cents gentilshommes qu’il avoit amenés de son pays. J’obligeai Nangis dans le moment à offrir à la Reine le régiment qu’il commandoit, qui étoit en garnison à Mantes. Il le fit marcher à Saint-Germain ; tout le régiment des Gardes s’y rendit ; l’on amena le Roi à Paris. Monsieur se contenta d’être lieutenant général de l’État ; M. le prince fut déclaré chef du conseil. Le parlement confirma la régence à la Reine, mais sans limitation. Tous les exilés furent rappelés, tous les prisonniers remis en liberté, tous les criminels

  1. Bautru : Guillaume de Bautru, comte de Serrant, employé par Richelieu dans plusieurs ambassades, et connu par un rare talent pour la plaisanterie. Mort en 1665.