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MÉMOIRES

le nom d’importans ; et ils se servirent en même temps très-habilement des grandes apparences que M. de Beaufort, suivant le style de tous ceux qui ont plus de vanité que de sens, ne manqua pas de donner en toutes sortes d’occasions aux moindres bagatelles. On tenoit cabinet mal à propos, l’on donnoit des rendez-vous sans sujet : les chasses même paroissoient mystérieuses. Enfin l’on fit si bien que l’on se fit arrêter au Louvre par Guitaut, capitaine des gardes de la Reine. Ces importans furent chassés et dispersés, et l’on publia par tout le royaume qu’ils avoient fait une entreprise contre la vie de M. le cardinal. Ce qui a fait que je ne l’ai jamais cru est que l’on n’en a jamais vu ni dépositions ni indices, quoique la plupart des domestiques de la maison de Vendôme aient été long-temps en prison. Vaumorin et Ganseville, auxquels j’en ai parlé cent fois dans la Fronde, m’ont juré qu’il n’y avoit rien au monde de plus faux : l’un étoit capitaine des gardes, l’autre écuyer de M. de Beaufort. Le marquis de Nangis, mestre de camp du régiment de Navarre ou de Picardie (je ne m’en ressouviens pas précisément), et enragé contre la Reine et contre le cardinal pour un sujet que je vous dirai incontinent, fut fort tenté d’entrer dans la cabale des importans, cinq ou six jours avant que M. de Beaufort fût arrêté ; et je le détournai de cette pensée, en lui disant que la mode, qui a du pouvoir en toutes choses, ne l’a si sensible en aucune qu’à être bien ou mal à la cour. Il y a des temps où la disgrâce est une manière de feu qui purifie toutes les mauvaises qualités, et qui illumine toutes les bonnes. Il y a des temps où il ne sied pas bien à un honnête homme