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MÉMOIRES

et que tous les obstacles de conscience et de gloire que j’opposerois au déréglement ne seroient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein : ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde : parce qu’en le faisant ainsi, l’on y met toujours des préalables qui en couvrent une partie, et parce que l’on évite par ce moyen le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est celui de mêler à contre-temps le péché avec la dévotion.

Voilà la sainte disposition avec laquelle je sortis de Saint-Lazarre. Elle ne fut pourtant pas de tout point mauvaise : car j’avois pris une ferme résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession, et d’être aussi homme de bien pour le salut des autres, que je pourrois être méchant pour moi-même.

M. l’archevêque de Paris, qui étoit le plus foible de tous les hommes, étoit, par une suite assez commune, le plus glorieux. Il s’étoit laissé précéder partout par les moindres officiers de la couronne, et il ne donnoit pas la main dans sa propre maison aux gens de qualité qui avoient affaire à lui. Je pris le chemin tout contraire : je donnai la main chez moi à tout le monde jusqu’au carrosse, et j’acquis par ce moyen la réputation de civilité à l’égard de beaucoup de gens, et même d’humilité à l’égard des autres. J’évitai sans affectation de me trouver aux lieux de cérémonie avec les personnes d’une condition fort relevée, jusqu’à ce que je me fusse tout-à-fait confirmé dans cette réputation : et quand je crus l’avoir