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MÉMOIRES

ayant glissé ; et comme il donna de la main, en voulant se soutenir, contre un morceau de bois un peu pointu, son épée s’en alla aussi d’un autre côté. Je me reculai deux pas, et je lui dis de reprendre son épée ; il le fit, mais ce fut par la pointe : car il m’en présenta la garde en me demandant un million de pardons. Il les redoubla bien quand mon gouverneur fut arrivé, qui lui dit qui j’étois. Il retourna sur ses pas : il alla conter au Roi, avec lequel il avoit une très-grande liberté, toute cette petite histoire. Elle lui plut, et il s’en souvint en temps et lieu, comme vous le verrez encore plus particulièrement à sa mort. Je reprends le fil de mon discours.

Le bon traitement que je recevois du Roi fit croire à mes proches que l’on pourroit trouver quelque ouverture pour moi à la coadjutorerie de Paris. Ils y trouvèrent d’abord beaucoup de difficultés dans l’esprit de mon oncle, très-petit, et par conséquent jaloux et difficile. Ils le gagnèrent par le moyen de Defita son avocat, et de Couret son aumônier ; mais ils firent en même temps une faute, qui rompit au moins pour le coup leurs mesures. Ils firent éclater, contre mon sentiment, le consentement de M. de Paris ; et ils souffrirent même que la Sorbonne, les curés et le chapitre lui en fissent des remercîmens. Cette conduite eut beaucoup d’éclat, mais elle en eut trop ; et M. le cardinal Mazarin, des Noyers et Chavigny en prirent sujet de me traverser, en disant au Roi qu’il ne falloit point accoutumer les corps à se désigner eux-mêmes des archevêques : de sorte que M. le maréchal de Schomberg[1], qui avoit épousé en

  1. Charles de Schomberg ; mort en 1656. (A. E.)