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DU CARDINAL DE RETZ.

carrosse ; je la menai à ma tante de Maignelay, qui la mit dans une religion, où elle mourut, huit ou dix ans après, en réputation de sainteté.

Ma tante, à qui cette fille avoua que les menaces de l’épinglière l’avoient si fort intimidée qu’elle auroit fait tout ce que j’aurois voulu, fut si touchée de mon procédé, qu’elle alla le lendemain le conter à M. de Lizieux, qui le dit le jour même au Roi à son dîner.

Voilà la première de ces deux aventures. La seconde ne fut pas de même nature, mais elle ne fit pas un moindre effet dans l’esprit du Roi.

Un an avant cette première aventure, j’étois allé courre le cerf à Fontainebleau, avec la meute de M. de Souvré[1], et comme mes chevaux étoient fort las, je pris la poste pour revenir à Paris. Comme j’étois mieux monté que mon gouverneur et qu’un valet de chambre qui couroit avec moi, j’arrivai le premier à Juvisy, et je fis mettre ma selle sur le meilleur cheval que j’y trouvai. Coutenau, capitaine de la petite compagnie des chevau-légers du Roi, brave, mais extravagant, qui venoit de Paris aussi en poste, commanda à un palefrenier d’ôter ma selle et d’y mettre la sienne. Je m’avançai, en lui disant que j’avois retenu le cheval ; et comme il me voyoit avec un petit collet uni et un habit noir tout simple, il me prit pour ce que j’étois en effet, c’est-à-dire pour un écolier, et il ne me répondit que par un soufflet qu’il me donna à tour de bras, et qui me mit tout en sang. Je mis l’épée à la main, et lui aussitôt. Dès le premier coup que nous nous portâmes, il tomba, le pied lui

  1. Jean de Souvré, marquis de Courtenvaux, premier gentilhomme de la chambre, etc., mort en 1656. (A. E.)