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DU CARDINAL DE RETZ.

moi dès que nous fûmes rentrés en carrosse, et me dit : « Je sens, à l’estime que je fais de la valeur, que je suis petite-fille de Henri-le-Grand. Il faut que vous ne craigniez rien, puisque vous n’avez pas eu peur en cette occasion. — J’ai eu peur, lui répondis-je, mademoiselle ; mais comme je ne suis pas si dévot que Brion, ma peur n’a pas tourné du côté des litanies. — Vous n’en avez point eu, me dit-elle, et je crois que vous ne croyez pas aux diables ; car M. de Turenne, qui est bien brave, a été bien ému lui-même, et il n’alloit pas si vite que vous. » Je vous confesse que cette distinction qu’elle mit entre M. de Turenne et moi me plut, et me fit naître la pensée de hasarder quelques douceurs. Je lui dis donc : « On peut croire le diable et ne le pas craindre ; il y a des choses au monde plus terribles. — Et quoi ? reprit-elle. — Elles le sont si fort que l’on n’oseroit même les nommer, luirépondis-je. » Elle m’entendit bien, à ce qu’elle m’a confessé depuis ; mais elle n’en fit pas semblant. Elle se remit dans la conversation publique. L’on descendit à l’hôtel de Vendôme, et chacun s’en alla chez soi.

Mademoiselle de Vendôme n’étoit pas ce que l’on appelle une grande beauté, mais elle en avoit pourtant beaucoup ; et l’on avoit approuvé ce que j’avois dit d’elle et de mademoiselle de Guise, qu’elles étoient des beautés de qualité ; on n’étoit point étonné, en les voyant, de les trouver princesses. Mademoiselle de Vendôme avoit très-peu d’esprit ; mais il est certain qu’au temps dont je vous parle, sa sottise n’étoit pas encore bien développée. Elle avoit un sérieux qui n’étoit pas de sens, mais de langueur, avec un petit