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MÉMOIRES

cente des Bons-Hommes. Justement au pied, le carrosse arrêta tout court. Comme j’étois à l’une des portières avec mademoiselle de Vendôme, je demandai au cocher pourquoi il arrêtoit ; et il me répondit avec une voix fort étonnée : « Voulez-vous que je passe par dessus tous les diables qui sont là devant moi ? » Je mis la tête hors de la portière ; et comme j’ai toujours eu la vue fort basse, je ne vis rien. Madame de Choisy, qui étoit à l’autre portière avec M. de Turenne, fut la première du carrosse qui aperçut la cause de la frayeur du cocher : je dis du carrosse, car cinq ou six laquais qui étoient derrière crioient Jesus Maria, et trembloient déjà de peur. M. de Turenne se jeta en bas du carrosse, aux cris de madame de Choisy. Je crus que c’étoient des voleurs : je sautai aussitôt hors du carrosse ; je pris l’épée d’un laquais, je la tirai, et j’allai joindre de l’autre côté M. de Turenne, que je trouvai regardant fixement quelque chose que je ne voyois point. Je lui demandai ce qu’il regardoit, et il me répondit en me poussant du bras et assez bas : « Je vous le dirai, mais il ne faut pas épouvanter ces dames, » qui, dans la vérité, hurloient plutôt qu’elles ne crioient. Voiture commença un oremus. Vous connoissiez peut-être les cris aigus de madame de Choisy. Mademoiselle de Vendôme disoit son chapelet ; madame de Vendôme vouloit se confesser à M. de Lizieux, qui lui disoit : « Ma fille, n’ayez point de peur ; vous êtes en la main de Dieu. » Le comte de Brion avoit entonné bien dévotement à genoux, avec tous nos laquais, les litanies de la Vierge. Tout cela se passa, comme vous pouvez vous imaginer, en même temps et en moins de rien. M. de Turenne,