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DU CARDINAL DE RETZ.

Le ministre s’aperçut de ma peine : il m’épargna les endroits qui eussent pu m’obliger à m’expliquer d’une manière qui eût choqué le nonce. Je remarquai son procédé, je l’en remerciai au sortir de la conférence, en présence de M. de Turenne ; et il me répondit : « Il n’est pas juste d’empêcher M. l’abbé de Retz d’être cardinal. » Cette délicatesse, comme vous voyez, n’est pas d’un pédant de Genève. Je vous ai dit ci-dessus que cette conférence produisit un effet bien différent de sa cause. Le voici :

Madame de Vendôme[1], dont vous avez ouï parler, prit une affection pour moi, depuis cette conférence, qui alloit jusqu’à la tendresse d’une mère. Elle y avoit assisté, quoique assurément elle n’y entendît rien ; mais ce qui la confirmoit encore plus dans son sentiment fut M. de Lizieux[2], qui étoit son directeur, et qui logeoit toujours chez elle quand il étoit à Paris. Il revint en ce temps-là de son diocèse, et comme il avoit beaucoup d’amitié pour moi, et qu’il me trouva dans les dispositions de m’attacher à ma profession (ce qu’il avoit souhaité passionnément), il prit tous les soins imaginables de faire valoir dans le monde le peu de qualités qu’il pouvoit trouver en moi. Il est constant que ce fut à lui à qui je dus le peu d’éclat que j’eus en ce temps-là, et il n’y avoit personne en France dont l’approbation en pût tant donner. Ses sermons l’avoient élevé d’une naissance

  1. Françoise de Lorraine, fille de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, et de Marie de Luxembourg ; morte en 1669. (A. E.)
  2. M. de Lizieux : Philippe Cospéau, mort en 1646. Il avoit alors la confiance d’Anne d’Autriche, qui le renvoya dans son diocèse au commencement de la régence.