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MÉMOIRES

tinuer à faire voir à Monsieur, à tous les momens du jour, la nécessité de se défaire du cardinal ; de lui parler moins qu’à l’ordinaire du détail de l’action, afin d’en moins hasarder le secret ; de se contenter de l’en entretenir en général, et pour l’y accoutumer et pour lui pouvoir dire en temps et lieu que l’on ne la lui avoit pas celée ; que l’on avoit plusieurs expériences qu’il ne pouvoit lui-même être servi qu’en cette manière ; qu’il l’avoit lui-même avoué maintes fois à lui La Rochepot ; qu’il n’y avoit donc qu’à s’associer de braves gens qui fussent capables d’une action déterminée ; qu’à poster des relais, sous prétexte d’un enlèvement, sur le chemin de Sedan ; qu’à exécuter la chose au nom de Monsieur et en sa présence, dans la chapelle, le jour de la cérémonie ; que Monsieur l’avoueroit de tout son cœur dès qu’elle seroit exécutée ; et que nous le mènerions de ce pas sur nos relais à Sedan, dans un intervalle où l’abattement des sous-ministres, joint à la joie que le Roi auroit d’être délivré de son tyran, auroit laissé la cour en état de songer plutôt à le rechercher qu’à le poursuivre. Voilà la vue de La Rochepot, qui n’étoit nullement impraticable ; et je le sentis par l’effet que la possibilité prochaine fit dans mon esprit, tout différent de celui que la simple spéculation y avoit produit.

J’avois blâmé peut-être cent fois avec La Rochepot l’inaction de Monsieur et celle de M. le comte à Amiens. Aussitôt que je me vis sur le point de la pratique, c’est-à-dire sur le point de l’exécution de la même action dont j’avois réveillé l’idée moi-même dans l’esprit de La Rochepot, je sentis je ne sais quoi qui pouvoit être une peur. Je le pris pour