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MÉMOIRES

ne lui étoit pas pleinement indifférent, et à sa foiblesse pour la cour, foiblesse qui n’a jamais eu d’égale.

J’étois dans les premiers feux[1] de cette nouvelle passion ; et je me figurois tant de plaisir à triompher du cardinal de Richelieu en un aussi beau champ de bataille que celui de l’Arsenal, que la rage se coula dans le plus intérieur de mon ame, aussitôt que je reconnus qu’il y avoit du changement dans toute la famille. Le mari consentoit qu’on allât souvent à Ruel ; la femme ne me faisoit plus que des confidences qui me paroissoient assez souvent fausses. Enfin la colère de madame de Guémené, dont je vous ai dit le sujet ci-dessus, la jalousie que j’eus pour madame de La Meilleraye, mon aversion pour ma profession, s’unirent ensemble dans ce moment fatal, et faillirent à produire un des plus grands et des plus fameux événemens de notre siècle.

La Rochepot[2], mon cousin germain et mon ami intime, étoit domestique de M. le duc d’Orléans[3], et extrêmement dans sa confidence. Il haïssoit cordialement M. le cardinal de Richelieu, et parce qu’il étoit fils de madame Du Fargis, persécutée et mise en effigie par le ministre, et parce que tout de nouveau M. le cardinal, qui tenoit encore son père prisonnier à la Bastille, avoit refusé l’agrément du régiment de Champagne pour lui à M. le maréchal de

  1. Il y a dans l’original sept lignes effacées, et on y a substitué ce qui est ici en italique. (A. E.)
  2. Fils d’Antoine de Silly, comte de la Rochepot. (A. E.)
  3. M. le duc d’Orléans : Gaston, Jean-Baptiste de France, frère de Louis XIII. (Voyez la Notice qui précède ses Mémoires.)