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DU CARDINAL DE RETZ.

de cette nature en plein cercle à madame de Guémené, et tout le monde remarqua qu’il vouloit me désigner. Elle en fut outrée, et moi plus qu’elle ; car enfin il s’étoit contracté une espèce de ménage entre elle et moi qui avoit souvent du mauvais ménagement, quoique cependant nos intérêts ne fussent pas séparés.

Au même temps madame de La Meilleraye[1], de qui, toute sotte qu’elle étoit, j’étois deveunu amoureux[2], plut à M. le cardinal, au point que le maréchal s’en étoit aperçu devant même qu’il partît pour l’armée. Il en avoit fait la guerre à sa femme, et d’un air qui lui fit croire d’abord qu’il étoit encore plus jaloux qu’ambitieux. Elle le craignoit terriblement, et elle n’aimoit pas M. le cardinal, qui, en la mariant avec son cousin, avoit à la vérité dépouillé sa maison, de laquelle il étoit idolâtre. Le cardinal étoit d’ailleurs encore plus vieux par ses incommodités que par son âge ; et il est vrai de plus que n’étant pédant en rien, il l’étoit tout-à-fait en galanterie. On m’avoit dit le détail des avances qu’il lui avoit faites, qui étoient effectivement ridicules ; mais comme il les continua jusqu’au point de lui faire faire des séjours de temps même considérables à Ruel[3], où il faisoit le sien ordinaire, je m’aperçus que la petite cervelle de la dame ne résisteroit pas long-temps au brillant de la faveur ; et que la jalousie du maréchal céderoit bientôt un peu à son intérêt, qui

  1. Madame de la Meilleraye étoit Marie de Cossé, fille de François de Cossé, duc de Brissac. (A. E.)
  2. Cette ligne italique n’est pas écrite de la main du cardinal de Retz. (A. E.)
  3. Maison du cardinal deRichelieu, à trois lieus de Paris. (A. E.)