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DU CARDINAL DE RETZ.

que de Lavaur, pour le prier de dire à M. le cardinal que comme je savois le respect que je lui devois, je m’étois désisté de ma prétention aussitôt que j’avois appris qu’il y prenoit part. M. de Lavaur me vint retrouver dès le lendemain matin, pour me dire que M. le cardinal ne prétendoit point que M. l’abbé de La Mothe eût l’obligation du lieu à ma cession. La réponse m’outra : je ne répondis que par un sourire et une profonde révérence. Je suivis ma pointe, et j’emportai le premier lieu de quatre-vingt-quatre voix. M. le cardinal de Richelieu, qui vouloit être maître partout et en toutes choses, s’emporta jusqu’à la puérilité. Il menaça les députés de la Sorbonne de raser ce qu’il avoit commencé d’y bâtir, et il fit mon éloge tout de nouveau avec une aigreur incroyable.

Toute ma famille s’épouvanta. Mon père et ma tante de Maignelay[1], qui se joignoient ensemble, la Sorbonne, Remebroc, M. le comte, mon frère qui étoit parti la même nuit, madame de Guémené, à laquelle ils voyoient bien que j’étois fort attaché, souhaitoient avec passion de m’éloigner, et de m’envoyer en Italie. J’y allai et je demeurai à Venise jusqu’à la mi-août, et il ne tint pas à moi de m’y faire assassiner. Je m’amusai à vouloir faire galanterie à la signora Vendranina,

    à lui faire improviser des sermons sur des textes qu’il lui donnoit. S’étant élevé contre les jansénistes, ceux-ci le désignèrent à Boileau comme un mauvais écrivait ; et son nom se trouve dans le quatrième chant du Lutrin :

    qui possède Abely, qui sait tout Raconis.
    Ce prélat mourut en 1646.

  1. Ma tante de Maignelay : Marguerite-Claude de Gondy, femme de Florimond d’Halluin, marquis de Maignelay. Elle étoit d’une grande piété, et répandoit beaucoup d’aumônes. Morte en 1650.