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DU CARDINAL DE RETZ.

réussir dans les sermons. On me conseilloit de commencer par de petits couvens où je m’accoutumerois peu à peu. Je fis tout le contraire : je prêchai l’Ascension, la Pentecôte, la Fête-Dieu dans les petites Carmélites, en présence de la Reine et de toute la cour ; et cette audace m’attira un second éloge de la part de M. le cardinal de Richelieu : car comme on lui eut dit que j’avois bien fait, il répondit : « Il ne faut pas juger des choses par l’événement : c’est un téméraire. » J’étois, comme vous voyez, assez occupé pour un homme de vingt-deux ans.

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M. le comte[1], qui avoit pris une très-grande amitié pour moi, et pour le service et la personne duquel j’avois pris un très-grand attachement, partit de Paris la nuit pour s’aller jeter dans Sedan, dans la crainte qu’il eut d’être arrêté. Il m’envoya quérir sur les dix heures du soir. Il me dit son dessein. Je le suppliai avec instance qu’il me permît d’avoir l’honneur de l’accompagner. Il me le défendit expressément ; mais il me confia Vanbroc, un joueur de luth flamand, et qui étoit l’homme du monde en qui il se confioit le plus. Il me dit qu’il me le donnoit en garde : que je le cachasse chez moi, et que je ne le laissasse sortir que la nuit. J’exécutai fort bien de ma part tout ce qui m’avoit été ordonné : car je mis Vanbroc dans une soupente, où il eût fallu être chat ou diable pour le trouver. Il ne fit pas si bien de son côté : car il fut découvert par le concierge de l’hôtel de Soissons, au moins à ce que j’ai toujours soupçonné ; et je fus bien

  1. Louis de Bourbon, comte de Soissons, tué à la bataille de Marfée près de Sedan, en 1641. (A. E.)