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du prince de Condé. Il étoit assez de ses amis, et se disoit son serviteur ; mais comme les moindres intérêts des hommes les touchent beaucoup plus sensiblement que les grandes infortunes qui arrivent à ceux qu’ils aiment, au lieu de sentir la disgrâce de ce grand prince par l’amitié qu’il avoit pour lui, il s’écria et me dit : « Cette exécution m’appartenoit : je devois l’arrêter. Je suis perdu, car on n’a pas eu de confiance en moi. » Je lui répondis qu’il devoit s’affliger de cette défiance à laquelle n’ayant pas donné lieu, il devoit se consoler de n’avoir pas mis un ami en prison. Il en demeura d’accord avec moi par la honte qu’il eut de son emportement, et s’en alla chez la Reine plein de douleur et de furie. Il en fit de grandes plaintes au ministre, et peut-être qu’il les redoubla soigneusement, afin d’effacer par sa sensibilité une tache qu’il craignoit d’avoir sur le front, d’être partisan du prince de Condé, qui n’auroit pas été fort agréable en la personne d’un capitaine des gardes du corps ; mais elle n’y étoit pas en effet, car il étoit incapable de manquer à son devoir. Aussitôt que Villequier m’eut quittée, je m’en allai chez la Reine en qualité de curieuse, ne prenant part à cette aventure qu’autant qu’elle étoit utile à son service. En entrant dans sa chambre, je fus surprise de voir tant de visages nouveaux. Tous les frondeurs, les ennemis de notre ministre, la remplissoient entièrement. Ils tenaient chacun leurs épées à la main, mais dans leur fourreau, jurant qu’ils étoient bons serviteurs du Roi, et qu’ils alloient être les défenseurs de la Reine et la force de l’État. Je trouvai leur orgueil ridicule, et leurs fanfaronnades un peu trop fortes ; et comme il y avoit