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autrefois pour les donner au chancelier Seguier, qui les perdoit alors de la même manière que l’autre les avoit perdus à son tour. Ces événemens sont des jeux de la fortune conduite par la volonté du souverain roi des rois, qui dispose de la destinée de ses créatures comme il lui plaît ; et la cour est remplie de ces divers changemens.

Ce nouveau et ancien garde des sceaux reçut cette nouvelle grâce à soixante-et-dix ans passés, plein de santé, de courage et d’ambition. Il formoit encore de grands desseins pour l’avenir. sans penser que cet avenir avoit un espace trop court pour y placer tant de projets et de grandes chimères.

Le lendemain, mercredi des Cendres, il vint saluer le Roi et remercier la Reine. Il est à croire qu’il avoit commencé ses complimens par le ministre ; et l’on m’assura qu’il l’avoit fait fortement, et qu’il lui avoit dit qu’il vouloit être son véritable ami. Le Palais-Royal fut en ce jour rempli de beaucoup de monde. Cet homme, qui étoit tant visité à Montrouge lorsqu’il étoit sans pouvoir, devint aisément l’idole de tous les courtisans. On crut qu’il alloit chasser le ministre, ou tout au moins avoir part au ministère. Quand il arriva, il fut suivi d’un chacun ; tous le vouloient voir. Il sembla que le cardinal Mazarin étoit déjà déchu de sa grandeur, qu’il n’étoit plus le ministre de la Reine, qu’elle étoit changée, et que toute l’autorité étoit remise entre les mains de ce nouveau venu.

Le lendemain il entra au conseil, et reprit son ancienne place avec la même presse. On croyoit peut-être devoir rendre ses hommages à un homme qui avoit su par son habileté triompher du ministre, en le