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pour gagner un petit port, où elle ne trouva que deux barques de pêcheurs. Elle voulut s’embarquer en ce lieu contre l’avis des mariniers, et son dessein étoit de gagner un grand vaisseau qu’elle faisoit tenir à la rade exprès pour se sauver quand elle seroit forcée de le faire. Le vent se trouva alors si grand, et la marée si forte, que le marinier qui l’avoit prise entre ses bras pour la porter dans la chaloupe, ne pouvant résister à l’un et à l’autre, la laissa tomber dans la mer. Elle pensa se noyer ; mais enfin elle fut reprise et tirée de ce péril, plus touchée de ses malheurs qu’elle n’étoit abattue de cet accident. Ayant repris ses forces et ranimé son courage, elle voulut tenter de nouveau de se remettre dans le péril. Le vent, qui s’augmentoit à tous momens, l’en empêcha, et la fit résoudre de prendre des chevaux et de se mettre en croupe : ce que firent aussi les femmes et les filles de sa suite. Elle marcha dans cet état le reste de la nuit, et arriva chez un gentilhomme du pays de Caux, qui la reçut et la cacha avec beaucoup d’affection et de bonté. De là elle envoya un des siens pour faire venir le navire qui l’attendoit, côtoyer le lieu où elle étoit ; mais on découvrit que le patron avoit été gagné par les deniers du ministre, et qu’elle eût été arrêtée si elle s’en fût servie quand elle l’avoit voulu faire. Ensuite de cette aventure elle demeura environ quinze jours, se cachant de lieu en autre, selon les avis qu’elle avoit ; et enfin elle envoya au Havre, où elle gagna le capitaine d’un vaisseau anglais. Elle y fut reçue sous le nom d’un gentilhomme qui s’étoit battu en duel : et cet homme ayant été bien payé, ne s’en informa pas davantage, et la vint trouver à quelque petit port par-