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raisons, sa retraite fut estimée de tous, et lui fut à elle fort commode. Le désir de savoir et la solitude conviennent à la tristesse, quand l’on est assez sage pour sentir tout ce que l’on doit sentir. La Reine envoya commander à madame de Longueville de quitter Dieppe et d’aller aussi à Coulommiers ; mais cette princesse avoit le cœur trop ulcéré contre ses ennemis, pour obéir à des ordres qu’elle disoit venir de leur part sous le nom de la Reine. Elle se sentoit capable des plus grandes entreprises, et elle jugea qu’il valoit mieux se réserver à quelque chose de plus utile à son parti qu’au repos de cette maison, où elle crut ne pouvoir rencontrer une sûreté entière. En recevant l’ordre de la Reine, elle fit semblant d’être malade, et promit d’y obéir aussitôt qu’elle seroit en santé. Le Plessis-Bellière[1] fut commandé pour aller à Dieppe avec quelques troupes ; et comme elle vit qu’elles s’approchoient, elle fit son possible pour gagner le gouverneur de cette place, lui voulant persuader de tenir bon contre les forces royales. M. de Montigny, qui, à ce que l’on a cru, vouloit être fidèle au Roi, lui représenta la difficulté de l’entreprise, et lui fit voir qu’il ne pouvoit pas lui seul, sans argent et sans troupes, faire ce qu’elle souhaitoit. La conclusion fut de lui conseiller de fuir par mer, et de s’en aller en Flandre attendre quelque meilleure saison. Madame de Longueville, qui savoit que le plus grand service qu’elle eût pu rendre aux princes étoit de leur conserver la Normandie, ne se rendit point à ce dernier coup. Elle voulut essayer si elle pourroit engager dans son parti les bourgeois, les officiers et le

  1. Le Plessis-Bellière : Jacques de Rouge.