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Le lendemain, les frondeurs, remplis de gloire apparente ou véritable, et satisfaits de leur destinée, allèrent au Palais-Royal saluer Leurs Majestés ; et le duc d’Orléans les présenta. Ils furent reçus selon le temps, c’est-à-dire comme des personnes à qui toutes choses arrivoient plutôt selon leurs souhaits que selon leurs services. L’abbé de La Rivière ne leur ressembloit pas : sa faveur étoit mourante, et son courage la soutenoit encore pour quelques jours seulement. Il ne se trouva point à cette présentation ; mais il arriva chez la Reine peu de temps après. Je lui demandai en quel état étoient ses affaires. Il me dit en riant qu’il étoit foible, et qu’il vivoit de régime. Il disoit vrai : mais, malgré son régime, sa maladie ne laissoit pas d’empirer : le ministre commençoit de montrer le peu de volonté qu’il avoit de lui tenir sa parole, et par conséquent sa faveur étoit menacée d’une prompte fin. La Reine, en ma présence, ne laissa pas de lui demander aussi comment il étoit avec Monsieur. Et lui, comme si c’eût été un jeu, lui répondit en raillant que son maître ne le regardoit plus, et que n’ayant plus de nourriture il falloit périr d’inanition.

Cet abbé, voyant qu’il étoit perdu, jugea qu’il falloit finir de bonne grâce. Il voulut encore parler au duc d’Orléans, pour tâcher de se justifier à lui ; mais ce prince évita son entretien, et ne voulut jamais l’écouter. Quand il connut clairement que son malheur n’avoit point de remède, et que son maître n’avoit plus d’oreilles pour lui, il lui fit demander, par son ami le marquis de Termes[1], la permission d’aller

  1. Le marquis de Termes : César-Auguste de Pardaillan.