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agréable par cette voie, tâchoit d’en témoigner de la satisfaction.

La nuit suivante, le duc de Beaufort, par l’avis du duc d’Orléans, fut à cheval dans les rues pour se montrer au peuple, et pour rassurer quelques petites gens qui disoient qu’on les trompoit, et que sans doute c’étoit leur bon prince qu’on avoit mis en prison. Les feux de joie furent grands dans Paris pour la prison du prince de Condé ; car le peuple le haïssoit, à cause de l’opposition qu’il avoit toujours eue contre leur protecteur le duc de Beaufort. Ce favori du peuple, se voyant alors en état de pouvoir profiter des faveurs de la cour, se voulut raccommoder avec le ministre. Il lui envoya faire un compliment, et voulut même, pour lui montrer plus de soumission, envoyer prendre ordre de lui pour la marche dangereuse qu’il fit cette nuit dans les rues.

Le lendemain, avant que la Reine fût éveillée, son grand cabinet et son appartement tout entier étoient si pleins de monde, qu’à peine y pouvoit-on passer. Aussitôt qu’elle le fut, le duc d’Orléans la vint voir. Ils furent quelque temps à parler ensemble, elle étant encore dans son lit ; et il fut aisé aux spectateurs de deviner le sujet de leur conversation. J’avois ouï dire, le soir auparavant, que l’abbé de La Rivière étoit mal dans ses affaires, et qu’il n’avoit point su le secret de cette aventure. Je m’approchai de lui, pour savoir ce qui en étoit. Il me répondit qu’il étoit vrai qu’il n’avoit eu nulle connoissance de cet emprisonnement. « Comment, lui dis-je, vous êtes donc perdu ? — N’en doutez pas, me dit-il ; mon maître ne me parle plus, et le pied me glisse, et je ne laisse pas d’être tran-