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trop familiarisé et trop doux pour cette charge, où la justice n’est pas la principale qualité qui soit nécessaire. Il étoit important au cardinal Mazarin de le changer pour un moins régulier et plus dur que lui. Il ne voulut pas d’abord le chasser ; mais il mit sous lui d’Émery[1] pour contrôleur général, avec le pouvoir dont cette charge le rendoit capable, pour l’installer peu à peu et en faire un surintendant de finances tout-à-fait à sa dévotion : ce qui arriva bientôt après. En même temps la Reine, qui vouloit ôter Chavigny du conseil, où le cardinal n’étoit pas bien aise de le voir exercer la charge de secrétaire d’État des affaires étrangères, dont il étoit fort capable, et qu’il avoit eue de Boutillier son père, et par laquelle, ayant le maniement des plus grandes affaires qui s’y examinent, il avoit nécessairement quelque part au ministère, lui ordonna de s’en défaire et de la vendre au comte de Brienne[2], qui vendroit celle qu’il avoit de la maison du Roi à Duplessis-Guénégaud : et comme elle le considéroit non-seulement par sa probité et par l’amitié qu’elle avoit pour la comtesse de Brienne, elle lui fit donner deux cent mille livres, pour aider à payer celle qu’on lui vendoit cinq cent mille livres. Le cardinal Mazarin n’ayant plus personne dans le conseil qui pût lui donner quelque jalousie, le comte de Brienne ne faisoit aucune difficulté de signer toutes les dépêches comme on les lui envoyoit. Il ne restoit plus que la charge de secrétaire d’État de la guerre, que des Noyers, qui avoit été disgracié par le feu

  1. D’Émery : Michel Particelli. Il avoit servi autrefois dans les vivres à l’armée d’Italie.
  2. Au comte de Brienne : Henri-Auguste de Loménie. Ses Mémoires font partie de cette série.