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autres. Il devina aisément que le commandement général n’étoit donné que pour lui, et que la fortune du ministre, plutôt que la piété de la Reine, l’envoyoit satisfaire à ses obligations. Il étoit intime ami des princes de Vendôme, il logeoit dans leur maison, et parloit librement à la Reine : si bien que le cardinal, le craignant avec sujet, fut bien aise de s’en défaire. Il vint trouver la Reine un matin pour prendre congé d’elle. Elle étoit à sa toilette, qui s’habilloit ; et ne sachant que lui dire, dans l’embarras que la présence de ce bonhomme lui causoit, elle le pria fort succinctement de se souvenir d’elle dans ses bonnes prières. Pour lui, il ne lui parla point : il lui voulut montrer sans doute par son silence qu’il obéissoit sans estimer le commandement. J’y étois, et je le remarquai avec peine pour la Reine et pour celui qu’elle chassoit si doucement. La Reine ensuite, étant au Val-de-Grâce, dit à la marquise de Maignelay[1], dame de grande qualité et de grande vertu, amie de cet évêque, qu’elle avoit été obligée par beaucoup de considérations de l’éloigner ; mais qu’elle lui juroit, par le Dieu qu’elle venoit de recevoir (car elle sortoit de la sainte communion), qu’elle en avoit été très-fâchée, et qu’elle avoit eu autant de peine à se résoudre à le perdre que s’il eût été son véritable père.

Vers ce même temps se fit un combat à la place Royale entre le duc de Guise[2], un des principaux

  1. La marquise de Maignelay : Claude-Marguerite de Gondi. Elle étoit tante du coadjuteur, depuis cardinal de Retz.
  2. Le duc de Guise : Henri de Lorraine. Il avoit un esprit romanesque, et fit des extravagances qui attirèrent sur lui de grands malheurs. Ses Mémoires font partie de cette série.