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assassiner le cardinal Mazarin, et la Reine fut persuadée que par deux fois il avoit pensé l’exécuter ; mais d’autres m’ont assuré qu’il vouloit seulement lui faire peur. J’ai ouï dire aussi qu’il y avoit quelque vérité dans cette accusation. Des gens dignes de foi, et peu affectionnés au cardinal, m’ont avoué qu’un jour, comme il vouloit aller dîner à Maisons, il y avoit eu des soldats affidés qui dévoient s’en défaire sur le chemin ; que le duc d’Orléans, étant arrivé par hasard comme il alloit monter en carrosse, voulut se mettre de la partie ; et que sa présence avoit empêché ce dessein. Une autre fois l’histoire assure que le cardinal allant de sa maison au Louvre, qui étoit tout contre, on devoit encore le tuer par une fenêtre ; que ce soir il fut averti de n’y pas aller, et que dans les coins des rues voisines il y avoit beaucoup de troupes de gens à cheval. Il est vrai aussi que le lendemain de ce même jour le bruit fut grand à la cour qu’on avoit voulu tuer le cardinal Mazarin. Sur ce bruit, il y eut beaucoup de monde au Louvre ; et la Reine me parut mal satisfaite du duc de Beaufort et de toute la cabale des importans. Elle me fit l’honneur de me dire, comme je m’approchai d’elle et que je lui demandai raison de ce tumulte : « Vous verrez devant deux fois vingt-quatre heures comme je me vengerai des tours que ces méchans amis me font. » 3e gardai secrètement, dans mon cœur ce que la Reine m’avoit fait l’honneur de me dire, et demeurai fort attentive à voir le succès des deux jours dont la Reine m’avoit avertie. Jamais le souvenir de ce peu de mots ne s’effacera de mon esprit. Je vis en ce moment par le feu qui brilloit dans les yeux de la Reine, et par les