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fort en secret, pour seulement divertir celui qui l’ignorait. Il ne demeura pas long-temps sans parvenu aux oreilles de madame la princesse, qui, selon son naturel allier et vindicatif, le ressentit vivement ; et il est presque impossible de dire jusqu’où elle porta sa colère et sa douleur. Madame de Longueville, qui n’étoit pas moins sensible, mais qui étoit plus retenue, fut d’avis de n’en pas faire de bruit. La jalousie quelle avoit contre la duchesse de Montbazon, étant proportionnée à l’amour qu’elle avoit pour son mari, ne l’emportoit pas si loin qu’elle ne trouvât plus à propos de dissimuler cet outrage ; car il étoit d’une nature à devoir souhaiter plutôt de l’étouffer que d’en faire une solennelle vengeance. Madame sa mère étoit animée par beaucoup d’autres grands intérêts : elle savoit profiter de l’avantage qu’elle avoit d’être entrée dans la maison de Bourbon ; et, ne pouvant se retenir, elle fit de cette querelle une affaire d’État. Elle vint trouver la Reine, lui demanda justice, et se plaignit hautement de madame de Montbazon. Voilà toute la cour partagée. Les femmes, qui avoient du respect pour madame la princesse, se rangèrent de son côté, pendant que tous les hommes furent chez madame de Montbazon ; et l’on compta jusqu’à quatorze princes qui la furent voir. Mais tous ces approbateurs, dont le nombre lui donnoit tant d’avantage, furent bientôt après contraints de se séparer d’elle : ils eurent peur du jeune duc d’Enghien qui, au bruit de la colère de madame la princesse, fit paroître vouloir porter hautement les intérêts de madame de Longueville ; et ce redoutable protecteur diminua l’audace de ceux qui avoient osé perdre le respect qui est dû au sang royal.