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près de la Reine ; mais il le retint éloigné de sa confiance. Il confirma cette princesse dans l’inclination qu’elle avoit de conserver le Havre à la duchesse d’Aiguillon, et l’empêcha de ruiner les païens du cardinal de Richelieu, lui disant que ceux-là, qui alors n’avoient nulle protection que la sienne, seroient sans doute ceux dont elle seroit la mieux servie. Il faisoit son devoir en soutenant ceux qui restoient d’un homme à qui il devoit toute sa grandeur ; mais, outre cette raison, il étoit d’un habile politique, voyant qu’il alloit avoir sur les bras toute la troupe favorite, de se faire des amis puissans qui étoient saisis de toutes les places, et qui se trouvoient avoir les plus grandes dignités du royaume. Il y réussit si bien que, malgré les oppositions des anciennes créatures de la Reine, elle se relâcha du dessein qu’elle avoit eu de les perdre, et de cette aversion qu’elle avoit paru avoir contre eux dans les premiers jours de sa régence. Elle passa aisément pour eux à la plus grande douceur du monde ; et, sous son autorité, ils ont été presque tous ses confidens et les mieux traités. Ce changement, qui fut d’abord un conseil reçu et donné par des maximes politiques, devint aisément dans l’ame de la Reine une maxime chrétienne que sa vertu et sa clémence lui firent estimer : et comme elle étoit capable d’être trompée sous l’apparence du bien, il est à croire que le cardinal Mazarin, sans être généreux, lui conseilla d’en user généreusement, afin de pouvoir affaiblir les mouvemens de son cœur sur la haine comme sur l’amitié ; et qu’étant plus indifférente à la vengeance, elle fut plus susceptible des impressions qu’il vouloit lui don-