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lui avoit ; mais le cardinal Mazarin leur disoit qu’il n’étoit pas en état de s’opposer à l’aversion que la Reine avoit pour lui, qui pourroit diminuer quand la cabale de ses ennemis n’auroit plus de forces ; qu’il avoit encore à craindre pour lui-même, et qu’il falloit attendre que sa faveur, qu’il n’étoit pas fâché de leur cacher, fût solidement affermie. Cependant, comme les habiles gens sont toujours à craindre, et que les rivaux, autant dans la faveur que dans la galanterie, déplaisent naturellement, on le soupçonna d’avoir vu la disgrâce de Chavigny sans beaucoup de chagrin. C’est pourquoi, encore qu’il l’eût servi pendant le règne précédent auprès du cardinal de Richelieu pour le faire cardinal, et auprès du feu Roi pour le faire mettre à la place du feu cardinal, il le connoissoit trop bien pour ne pas savoir qu’il n’étoit pas d’humeur à désirer seulement d’avoir part au gouvernement ; mais que s’il ne vouloit pas être le seul, du moins il vouloit être le premier, comme il l’avoit été. Il n’avoit pas moins d’audace et moins de génie que lorsqu’il avoit su se faire aimer du feu cardinal et du feu Roi, et avoit de plus beaucoup d’amis puissans qui désiroient sa grandeur. C’est ce qui fit dire à bien des gens de ce temps-là que ce cardinal n’avoit pas d’envie que cet ancien ministre fût rétabli, à cause qu’il avoit pris liaison avec l’abbé de La Rivière, favori du duc d’Orléans, qui, voulant le chasser d’auprès de son maître, lui fit perdre une charge de chancelier qu’il avoit eue du temps du cardinal de Richelieu, pour être le pédagogue de ce prince. Le cardinal Mazarin allant à ses fins, lui faisant néanmoins de si grandes promesses, affectoit de lui montrer tant d’affection, que ses amis,