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tions de ce prince. J’y perdis deux gentilshommes de mes parens : Lanquetot et Grémonville, tous deux honnêtes gens. Leur perte me fut sensible ; car outre l’alliance ils étoient de mes amis : ce qui doit se considérer davantage. Le jour que la nouvelle du gain de cette bataille arriva, en revenant de la promenade au Palais-Royal, je m’étonnai de voir une grande quantité de personnes qui parloient ensemble par troupes séparées. L’émotion que l’amour de la patrie inspire dans les cœurs se fait toujours sentir en de telles occasions. Quelques-uns de ma connoissance vinrent au devant de moi me dire qu’il y avoit une bataille gagnée, mais aussi qu’il y avoit beaucoup de gens de tués. Le premier sentiment en eux avoit été la joie, puis après la crainte l’avoit suivie, et chacun en particulier sembloit déjà regretter son parent ou son ami mort. Cette consternation des autres m’en donna aussi ; et quoique mon affection pour la Reine fût assez forte pour ne pouvoir manquer de prendre part à la satisfaction que lui devoit donner une si grande nouvelle, le malheur des familles me touchoit, et mes sentimens étoient partagés là-dessus. Dans cette pensée, je montai en haut. Je trouvai cette princesse sur la terrasse qui joint les deux corps de logis. Elle avoit dans les yeux toutes les marques d’une grande joie. Les victoires sont les délices des souverains, d’autant plus qu’ils en goûtent les plaisirs sans partager fortement l’infortune des particuliers. Ce n’est pas que la Reine en ces occasions ne parût avoir beaucoup d’humanité, et regretter les personnes de mérite ; mais enfin elle étoit reine. Le cardinal Mazarin la vint aussitôt trouver, pour lui apprendre