Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Fleury, dont le duc d’Enghien étoit le maître. Je ne sais où ils se marièrent, et je ne suis pas instruite des particularités de cette cérémonie ; elle se fit sans doute selon l’ordre ordinaire et avec peu de témoins. Je m’arrêterai seulement à ce qui se passa le soir chez la Reine, et qui fut une plaisante comédie.

La Reine étoit déjà toute déshabillée et prête à se mettre au lit, lorsqu’on lui vint dire que madame la princesse étoit dans son grand cabinet qui demandoit à la voir. Elle en fut surprise, à cause qu’il étoit plus de minuit ; et cette heure n’étoit plus propre à de telles visites. Elle commanda qu’on la fît entrer ; mais ce fut avec un peu de curiosité de savoir la cause de cette visite si extraordinaire. Aussitôt que madame la princesse fut auprès de la Reine, qui achevoit de se coiffer de nuit, elle lui dit d’un ton pitoyable : « Madame, voilà une pauvre femme, lui montrant madame de Boutteville, qui est sensiblement affligée du malheur qui vient de lui arriver. Elle vient vous demander justice contre monsieur de Châtillon qui vient d’enlever sa fille. » Madame de Boutteville se jeta aussitôt aux pieds de la Reine : elle étoit tout échevelée, son collet étoit déchiré, ses habits demi-rompus. Elle faisoit des cris comme si en effet le comte de Châtillon eût été un voleur de grand chemin, et comme si sa fille eût souffert la plus grande violence du monde. Madame de Valence, sa fille, supplia aussi la Reine qu’on allât après ce criminel, qui ne méritoit pas moins que la mort pour avoir outragé leur maison. Madame de Boutteville exagéra en des termes fort éloquens la violence que souffroit sa fille dans cet enlèvement, la peine que sa vertu et sa modestie lui feroient souffrir