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car, quoique Française, elle n’osoit lui parler français ; et que, lui ayant dit quelques mots en cette langue, elle lui répondit tout bas : « Je n’oserois vous parler en ce langage sans permission, mais je la demanderai ; » que, l’ayant obtenue, elle lui avoit seulement parlé une fois, où elle lui dit qu’elle auroit souhaité qu’il eût épousé sa sœur, qu’il épousa en effet, parce que le mariage de l’Infante se rompit ; que depuis cette conversation, et quelques marques qu’il donna peut-être d’aimer à la voir à la comédie, on lui fit dire doucement de ne plus parler à elle ; que c’étoit la mode en Espagne d’empoisonner les galans des reines. Depuis ce charitable avis il ne lui parla plus, et ne la put voir à découvert ; car elle n’alla plus à la comédie que dans une loge toute fermée.

La Reine voulut rendre à la mémoire de cette illustre Reine, doublement sa belle-sœur, ce qu’on devoit à sa qualité de fille de France. On lui fit un service selon la coutume, avec toute la magnificence due à une si grande princesse. Dans ces sortes d’occasions il arrive souvent que les rangs, qui ne sont point réglés en France, produisent de grandes querelles. Mademoiselle, comme petite-fille de roi, prétendoit qu’il y avoit beaucoup de distinction entre elle et madame la princesse. D’autre côté, le duc d’Enghien, voulant soutenir son rang et la grandeur que sa naissance et sa gloire lui donnoient, demanda à la Reine que madame la duchesse sa femme pût en toutes choses suivre l’exemple de Mademoiselle, prétendant qu’elle n’étoit que première princesse du sang. La Reine dans ce moment, peu attentive aux intérêts de Mademoiselle, sans considérer qu’elle étoit en possession de quel-