Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tout ce qu’on peut s’imaginer de plus vilain, à cause que le bouleversement du vaisseau avoit fait un mélange des personnes et de toutes les saletés possibles. Leur étourdissement étoit tel, qu’elle et ses femmes ne purent de long-temps se tenir debout. Et le capucin, qui avoit accoutumé de lui dire la messe, ne la put célébrer à la première fête qu’avec l’aide de deux hommes qui le soutenoient par dessous les bras.

Après que cette princesse se fut reposée environ quinze jours, elle se mit courageusement sur la mer avec neuf vaisseaux qui lui étoient restés : car elle en avoit perdu deux ; et pour cette fois elle aborda sûrement en Angleterre par un petit village sur le bord de la mer. Elle demeura quelques jours en ce lieu, attendant des troupes du Roi qui la dévoient venir escorter et recevoir. L’armée parlementaire, qui la suivoit de près, et qui l’avoit suivie sur la mer pour la prendre, vint border le rivage du lieu où elle étoit. Dormant la nuit dans son lit, elle fut réveillée par les coups de canon de ses ennemis, qui percèrent la maisonnette où elle étoit logée. Milord Germain, son premier écuyer et son ministre, la vint trouver, et lui dit qu’il falloit se sauver, et qu’elle étoit dans un péril extrême. Elle quitta ce lieu après avoir mis une robe sur elle, et alla se cacher dans des cavernes qui étoient hors du village. Elle avoit une laide chienne nommée Mitte, qu’elle aimoit fort, et qu’elle avoit laissée endormie dans son lit. Du milieu du village, se souvenant de Mitte, elle retourna sur ses pas ; et, malgré ceux qui la suivoient, elle alla reprendre cette bête, puis se sauva des coups de canon qui la menaçoient. Après que les parlementaires se furent lassés