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[1651] MÉMOIRES

[1651] MÉMOIRES le cardinal n’avoit cette complaisance que pour rendre M. le prince encore plus criminel s’il n’y répondoit pas. Mais ce n’étoit point là du tout la principale raison de ce ministre : il en avoit d’autres fort essentielles pour lui qui l’avoient engagé à agir comme il avoit fait.

La Reine lui avoit mandé que M. Servien s’étoit trop avancé avec M. le prince, et qu’on auroit fort bien pu se défendre de lui donner le gouvernement de Guienne ; et M. de Lyonne, neveu de M. Servien, ayant su que le Mazarin avoit cette pensée de son oncle, et croyant peut-être qu’elle lui avoit été inspirée par

M. Le Tellier, il lui manda que ce ministre prenoit un trop grand ascendant sur l’esprit de la Reine : ce qui fit faire plusieurs réflexions au cardinal ; outre qu’il n’étoit pas content que, dans son absence, on eût fait tant de choses sans sa participation. D’un

autre côté, madame de Chevreuse, le coadjuteur et les autres frondeurs surent peindre avec de si étranges couleurs l’ingratitude de M. le prince pour eux, son manquement de foi sur le mariage de son frère, et généralement sur tous les autres articles qu’il leur avoit promis, qu’ils le décrièrent à un point que cela ne se peut comprendre. Il étoit abandonné de tout le monde : on n’avoit pas la moindre confiance en lui ; il n’eut dans ses intérêts que ceux qui ne pouvoient s’en dégager avec honneur. Si bien qu’il connut trop tard que ses manquemens n’étoient pas d’une nature à pouvoir être tournés en plaisanterie, comme il se l’étoit imaginé. Car il n’avoit point fait jusqu’alors aucune de ces réflexions