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[1651] MÉMOIRES

[1651] MÉMOIRES verroit plus elle l’oublieroit : ce qui arriva ainsi qu’elle l’avoit prédit, comme on le va voir dans la suite. Tout le monde croit pourtant encore que cette autorité absolue que la Reine laissoit prendre au cardinal sur elle venoit d’une amitié bien particulière. Cependant la vérité est que ce n’étoit qu’un effet du peu de goût qu’elle avoit pour les affaires, et une suite de la mauvaise opinion qu’elle avoit sur sa capacité à cet égard. En quoi l’on peut dire qu’elle se trompoit fort, car il est certain que cette princesse avoit un très-bon sens en toutes choses, et que dans. les conseils elle prenoit toujours le bon parti. Si elle eût voulu s’appliquer, elle se seroit rendue habile dans les affaires ; mais, avec un bon esprit, elle ne laissoit pas d’avoir un certain caractère qui lui donnoit une haine mortelle pour tout ce qui se peut appeler travail et occupation. Ainsi, par l’envie d’être déchargée de toutes sortes de soins, de n’entrer jamais dans aucun détail ennuyeux, elle donnoit une autorité sans bornes à ceux en qui elle plaçoit sà confiance ; et comme, avec l’aversion qu’elle avoit pour le travail d’esprit, elle avoit aussi une défiance outrée d’elle-même qui la faisoit se juger incapable de décider sur rien d’important, elle avoit une déférence aveugle aux conseils et, si on l’ose dire, aux volontés de ces mêmes personnes en qui elle se confioit fortement. Docilité fatale qui a plusieurs fois attiré des chagrins à cette princesse, qui d’ailleurs avoit mille aimables vertus et mille grandes qualités d’ame, dont beaucoup d’esprits du vulgaire n’ont jamais connu le prix en aucune façon, ignorant à tous égards le caractère de cette Reine. f