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avoit souvent entretenu la Reine, qu’il se promettoit qu’elle suivroit ses intentions, mais qu’il s’en tiendroit bien plus assuré si elle étoit défaite de la princesse de Conti[1], dont les artifices étoient incroyables, qu’elle et sa mère empoisonnoient son esprit, en sorte que, bien qu’il eût pris soin de lui faire connoître leurs malices, elle ne pouvoit toutefois s’en garantir.

Il lui conta à ce propos qu’un jour, pour détromper la Reine, il l’avoit disposée, lorsqu’elles l’animoient le plus contre la marquise de Verneuil, de feindre quelques desseins contre elle, et les leur communiquer, pour voir si aussitôt elles n’en avertiroient pas la marquise, bien que devant la Reine elles jetassent feu et flamme contre elle ; que la Reine, ayant en cela suivi son conseil, leur communiqua une entreprise qu’elle feignoit avoir de la faire enlever, passant au bac d’Argenteuil ; ce que les bonnes dames ne surent pas plutôt qu’elles se servirent du duc de Guise pour en donner avis à la marquise : ce qu’il fit avec tant de circonstances, que, sur la plainte qu’elle en fit au Roi, la Reine fut contrainte de reconnoître l’esprit et le génie de ces femmes, et d’avouer qu’elles n’aimoient rien dans la cour que les intrigues, èsquelles elles n’étoient pas peu industrieuses.

Par tout ce que dessus, il paroît que le sens et la ratiocination de ce prince avoient des racines profondes ; mais la plupart des événemens ayant été tout

  1. De la princesse de Conti : Louise-Marguerite de Lorraine, sœur du duc de Guise. Douée d’un esprit ainsi vif que malin, elle devint, après la mort de la maréchale d’Ancre, la confidente intime de Marie de Médicis.