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permît que, comme par ses calomnies il avoit procuré la mort à un autre, il fût, par une fausse accusation, conduit honteusement sur l’échafaud, et, coupable d’autres crimes, rompu vif sur la roue pour des péchés qu’il n’avoit pas commis, et son corps et son procès brûlés après sa mort comme étant indigne qu’il fût jamais mention de lui. Il mourut repentant, mais si peu ému des peines présentes, et du péril de celles de l’autre siècle, qu’ayant ouï lire son dictum dans la chapelle, il présenta son bras à quelqu’un des assistans pour tâter son poulx, et voir qu’il n’avoit aucun étonnement.

Mais laissons là ce misérable pour revenir à la Reine, qui, après avoir été enfermée l’espace de neuf jours, partit de Paris le 4 de mai pour être derechef enfermée dans une autre demeure, mais d’un espace un peu plus ample que celui où elle l’avoit été à Paris. Toute la matinée se passa en visites : les larmes de ceux qui la viennent voir parlent plus que leurs langues ; on plaint sa condition, on admire sa prudence, qui fut telle, que jamais les soupirs des princes ou princesses ne purent tirer une larme de ses yeux, ni autres paroles de sa bouche que celles-ci : « Si mes actions ont déplu au Roi mon fils, elles me déplaisent à moi-même ; mais il connoîtra, je m’assure, un jour qu’elles lui ont été utiles. Pour ce qui regarde le maréchal d’Ancre, je plains son ame, et la forme qu’on a fait prendre au Roi pour l’en délivrer. Vous vous fâchez de me perdre, en cela vous vous cherchez, y ayant assez long-temps que j’ai plusieurs fois prié le Roi de me décharger du soin de ses affaires. »