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marquer le temps auquel ce prince est venu à la couronne.

La mort d’Antonio Perez, arrivée en novembre, me donne lieu de vous faire voir un exemple de la fragilité de la faveur et de la confiance des rois, de l’instabilité de la fortune, de la haine implacable d’Espagne, et de l’humanité de la France envers les étrangers. Il avoit gouverné le roi Philippe ii son maître, prince estimé sage et constant en ses résolutions ; il déchut néanmoins de son crédit, sans être coupable d’aucun crime par l’opinion commune.

Il se trouve souvent, dans les intrigues des cabinets des rois, des écueils beaucoup plus dangereux que dans les affaires d’État les plus difficiles ; et en effet, il y a plus de péril à se mêler de celles où les femmes ont part et où la passion des rois intervient, que des plus grands desseins que les princes puissent faire en autre nature d’affaires.

Antonio Perez l’expérimenta bien, les dames ayant été cause de tous ses malheurs. Son maître, qui ne conserva pas sa fermeté ordinaire en sa bienveillance, la conserva en la haine qu’il lui porta jusques à la mort. Il étoit comblé de biens et de grandeurs ; il les perdit en un instant en perdant les bonnes grâces de son maître, qui en priva même ses enfans de peur qu’ils eussent moyens de l’assister.

Il se retire en France au plus fort des guerres civiles, qui n’empêchèrent pas que le Roi ne le reçût humainement. Il lui accorda une pension de quatre mille écus, qui lui fut toujours bien payée, et lui donna moyen de vivre commodément.

L’Espagne ne pouvoit souffrir le bonheur dont ce