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ANCIENS MÉMOIRES

toutte cette entreveüe que pour luy faire voir le danger dans lequel il s’alloit plonger s’il pretendoit defendre Saint Maur contre une armée si forte que la sienne, composée de tant de gens aguerris et tout fiers des victoires qu’ils avoient remportées jusqu’à lors ; qu’il n’avoit pas voulu l’attaquer d’abord dans le dessein qu’il avoit de le menager comme son amy ; mais que s’il s’opiniâtroit à vouloir soutenir un siege, il couroit risque d’être pris et de perdre la vie luy et tout son monde. Il le conjura de faire une forte reflexion sur tout ce qu’il luy disoit, l’assûrant que s’il ne deferoit pas à son amy, il auroit tout le loisir de s’en repentir.

Cressonval ne donna point d’abord dans un piége si specieux. Il convint avec luy que jamais place ne seroit attaquée par un plus fameux capitaine que luy, ny par des troupes plus braves ny plus intrepides ; mais il le pria de vouloir bien songer qu’il devoit être fort jaloux de son honneur et de la fidelité qu’il devoit au prince de Galles, qui luy avoit confié la garde d’une citadelle tres forte d’assiette, remplie d’une très bonne garnison, et bien pourveüe de touttes les munitions nécessaires de guerre et de bouche ; et qu’il étoit de son devoir de la defendre au peril de sa vie, et de se faire ensevelir sous ses ruines plûtôt que de commettre la lâcheté qu’il luy proposoit, et qu’il sçavoit être tout à fait indigne d’un gentilhomme qui se doit piquer d’avoir le cœur bien placé. Bertrand qui ne s’accommodoit pas d’une repartie qui reculoit la reddition de Saint Maur sur Loire, fronça le sourcil, et jura, disant à Cressonval, que par Dieu, qui fut peiné en croix et le tiers jour suscita, et par saint